Dans la vidéo ci-dessous, mon enseignant Amaël Ferrando aborde les concept de polarités Yin et Yang appliqués à notre quotidien. Amaël transpose ensuite ce concept vers les fondements de notre société qui survalorisent les dynamiques du Yang. En quoi le fait de constamment tendre vers l'hyper-activité, et donc vers le Yang tout en minimisant l'aspect Yin, peut-il être une source de déséquilibre ?
Les concepts de médecine chinoise ils sont faits pour être appliqués à l’ensemble des aspects de notre existence et parmi ces concepts il y en a un qui est sans doute le plus connu et qui est l’un des concepts fondamentaux : c’est le yin
yang. C’est un ensemble, un couple de polarités, et ça dit que tout ce qui nous entoure est constitué de ces deux polarités, et puis il y a des relations entre ces deux polarités qui ont été observées, détaillées, référencées etc. Là je souhaite juste appliquer ces concepts de yin et de yang à la façon dont fonctionne notre société pour souligner la façon dont notre société est déséquilibrée, à un certain niveau, parce qu’elle favorise toujours les aspects yang.
De façon globale les aspects yang sont les aspects de l’activité, de la performance, de l’efficacité, du mouvement, du dynamisme etc. Et les aspects yin sont les aspects de l’immobilité, de l’intériorité, de la contemplation, du repli sur soi, du sommeil etc. Ce que dit la pensée chinoise c’est que ces deux énergies elles sont toujours en lien l’une avec l’autre et qu’on n’a pas l’une sans l’autre. Le problème c’est que cette compréhension elle n’est pas très claire dans notre société, on pense que ce qui est sain c’est d’être toujours « au top ». « Au top » dans le sens que veut notre société c’est-à-dire toujours performant, toujours actif, toujours dynamique. Quand j’ai dit ces listes de mots qui sont associés au yin et au yang, on peut voir comment elles sont connotées pour nous : entre être optimiste et pessimiste, forcément on préfère être optimiste. Entre être dynamique et être léthargique, on préfère évidemment être dynamique, etc.
On voit que quelqu’un qui est surmené pendant dix ans parce qu’il travaille trop, on dit « ouah c’est bien il en veut, il arrivera à quelque chose », et quelqu’un qui ne fait rien pendant dix ans parce qu’il est déprimé, on dit « ouah il sert à rien, qu’est-ce qu’il fait », c’est vu de façon très négative. Alors qu’en fait ce sont juste deux excès.
Mais il n’y a pas un qui est préférable à l’autre. Alors ce qui se passe très souvent c’est qu’on tente dans notre culture de n’entretenir qu’un seul aspect.
C’est-à-dire qu’on tente d’être toujours dans le yang, donc dans l’aspect rayonnant, actif, solaire, expressif, etc. Et on tente de minimiser l’autre aspect et ça c’est très compliqué parce que c’est impossible. C’est comme si on voulait une montagne qui n’ait qu’une face au soleil, et qu’elle n’ait pas une face à l’ombre. Donc ce qu’on fait c’est qu’on agrandit beaucoup la face au soleil, et en fait en même temps on agrandit la face à l’ombre. Ça c’est le mécanisme qu’il y a par exemple derrière beaucoup de burn out, ou de dépressions : c’est une tentative contre nature d’être toujours dans le côté yang et si c’est trop pendant trop longtemps, forcément il y a un moment où on a aussi l’autre côté. Et l’autre côté qui va être exacerbé. Donc c’est important de considérer ça et de considérer que les deux choses sont aussi importantes l’une que l’autre. Donc déjà avec soi-même, de considérer que si on passe une journée à somnoler ou une journée à se lamenter c’est tout aussi important qu’une journée à travailler ou qu’une journée à rire avec les amis etc.
Il y a la même importance et notre existence a besoin de tout ça. Après chacun a ses dosages personnels, il ne faut pas chronométrer le nombre de minutes de chaque chose, mais en tout cas on a chacun besoin de toutes ces polarités pour être complet et exister. Alors ce qui est assez intéressant c’est que la culture chinoise elle a associé le yin au féminin et le yang au masculin et donc dans ces visions de la préférence pour le yang, on voit un petit peu en filigrane aussi la vision de la préférence pour l’homme, que porte aussi notre société. Donc ça ce n’est pas que occidental, dans beaucoup beaucoup de cultures c’est comme ça, en Chine on dit que l’homme il est fort et la femme elle est douce, et dans notre culture on a un petit peu la même chose c’est-à-dire que le côté plutôt actif il est associé à l’homme, et le côté plutôt immobile, intérieur, contemplatif, il est associé à la femme. Alors ça fait un gros problème d’identité puisque quand on cherche l’égalité hommes femmes, en fait ce qu’on cherche surtout c’est que la femme devienne aussi active que l’homme.
Mais l’idée ce serait peut-être que la femme soit complète, c’est-à-dire qu’elle ait sa partie inactive et sa partie active, et que l’homme aussi soit complet, qu’il ait la partie active et la partie inactive. Le fait de vouloir que la femme soit aussi active que l’homme ça va juste plonger la femme dans le même déséquilibre dans lequel les hommes sont déjà plongés, et du coup plonger toute la société puisqu’il n’y a pas un garant de cet autre équilibre. Donc peut-être que c’est une évolution saine de notre époque de se dire qu’il y a quelques centaines ou milliers d’années les hommes représentaient plus le yang pur et les femmes le yin pur, et qu’aujourd’hui les hommes sont plus complets et les femmes plus complètes. Peut-être que c’est un pas de plus vers la différenciation, qui semble être une évolution naturelle du vivant, de se différencier de plus en plus, mais si c’est ça il serait intéressant que hommes comme femmes considèrent ces deux polarités et puissent travailler sur les deux. Et ça part vraiment d’un réétalonnage de nos valeurs, c’est-à-dire qu’il faut arrêter de penser que quand on fait quelque chose c’est mieux que quand on ne fait rien. Ou que quand on est réveillé c’est mieux que quand on dort, etc.
Parce que tant qu’on est là-dedans, on voit les choses à moitié. Dans certains courants du taoïsme, par exemple des peuples des montagnes, ils disent : « on sait qu’on ne peut pas rester au sommet d’une montagne. Le sommet d’une montagne c’est l’endroit le plus yang, mais on y monte et on en redescend. On n’est pas voués à rester tout le temps au sommet, si on veut rester tout le temps au sommet on va prendre la grêle, la foudre, le brouillard et puis à un moment on va redescendre et on ne sera plus capable de remonter. »Voilà donc quelques petites réflexions sur une façon d’appliquer la pensée de la médecine chinoise et du Qigong Tuina à des choses très simples qui nous entourent en espérant que ça puisse faire évoluer nos façons d’appréhender notre environnement.
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